Dette publique de la France : Solvabilité
Jean-Paul Fitoussi - Président de l'OFCE - répondait en janvier 2006 à des questions d'internautes sur le chat du Monde).
Question : Connaît-on la nature et la répartition des détenteurs de la dette française (particuliers, institutions, entreprises privées, français, étrangers) ? Cette structure peut-elle avoir une incidence sur la soutenabilité de la dette ?
Jean-Paul Fitoussi : Deux choses : la première, c'est que la dette française est tout à fait soutenable. Le Japon a une dette égale à 129 % du PIB, contre 66 % pour la France, soit presque le double. L'Italie a plus de 100 %. Et on ne se pose aucun problème de soutenabilité de la dette pour ces pays.
D'autre part, le service de la dette en France diminue, contrairement à ce que les Français croient. Pourquoi ? Parce que le taux d'intérêt est bas et que les gestionnaires de la dette publique française ont été assez intelligents pour profiter de ces bas taux d'intérêt. Par exemple, la France, l'année dernière, a placé un emprunt de 6 milliards d'euros à 50 ans à un taux d'intérêt de 4 %, ce qui est très bas.
Pour en revenir précisément à la question posée, l'essentiel des détenteurs de la dette publique en France, ce sont évidemment les institutions financières et les ménages. Maintenant, la dette publique française est détenue à peu près à 50 % par des étrangers. Mais en contrepartie, les Français détiennent dans leur portefeuille des titres étrangers. Donc cette structuration des détenteurs de la dette ne pose aucun problème en termes de soutenabilité.
L'essentiel pour juger de la soutenabilité d'une dette, c'est la capacité d'épargne du pays, qui signifie la capacité d'accumulation de richesses par un pays. Or il se trouve que lorsqu'on raisonne selon cette variable de solvabilité, la capacité de l'épargne de la France (20 %) est beaucoup plus élevée que la capacité d'épargne anglaise ou américaine, qui sont inférieures à 10 %.
Je veux dire par là qu'il faut prendre la mesure du problème. Il n'y a pas le feu en la demeure. La France est considérée comme un pays totalement solvable par l'ensemble des agences de notation.
Cela ne signifie pas qu'il ne convient pas de faire encore et toujours des efforts pour mieux utiliser les deniers publics. Et donc qu'il faut en permanence à la fois faire des économies lorsque la possibilité apparaît, et procéder à des investissements lorsque l'on juge qu'ils sont rentables.