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Frédéric LAVAL, Conseiller Départemental des Hautes-Pyrénées
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28 juillet 2005

Ségolène Royal candidate du Parti Socialiste ?

Ségolène Royal a gagné la première manche et l'a même gagnée haut la main. Elle ne bénéficiait au départ d'aucun appui dans le parti, d'aucun courant, d'aucun réseau, d'aucune écurie présidentielle, d'aucune sympathie particulière au sein de l'appareil. Les principaux dirigeants ­ à l'exception notable de François Hollande, qui savait mieux qu'eux qui elle était vraiment ­ la regardaient avec condescendance, scepticisme et même irritation. Que venait-elle faire subitement dans la cour des grands où elle n'avait pas été invitée ? Elle ne pouvait faire valoir aucune légitimité personnelle, elle n'avait aucun titre d'aucune sorte à mettre en avant. Laurent Fabius a occupé toutes les fonctions qui préparent à un destin national, Dominique Strauss-Kahn a été le plus brillant et le plus moderne ministre des Finances que la gauche ait jamais eu (Jacques Delors ayant dû consacrer la moitié de son temps à neutraliser les pulsions malavisées de ses collègues du gouvernement), Jack Lang incarne le pouvoir heureux, François Hollande accumule l'expérience et le statut d'un premier secrétaire en place depuis neuf ans et dont l'habileté comme le talent ne sont plus à démontrer. Sur son Aventin, Lionel Jospin est regardé par tous comme un homme d'Etat. Ségolène Royal, qui n'a occupé que des fonctions ministérielles de second rang, n'a rien de tel à faire valoir.

Et cependant, elle a réussi la percée dans l'opinion la plus impressionnante depuis 2002 et elle s'est hardiment et intelligemment servie de ce prestige tout neuf comme d'un levier l'imposant parmi les prétendants socialistes et même, pour l'instant, l'installant en tête de leur petite escouade. Cette irruption fracassante a des racines : depuis le triomphe impromptu du PS aux élections régionales de 2004, à l'occasion desquelles elle a été élue à la présidence de Poitou-Charentes, Ségolène Royal n'a cessé de figurer dans le quatuor des socialistes les plus populaires, en compagnie de Bernard Kouchner, de Jack Lang et de Bertrand Delanoë, devant ceux qui étaient considérés comme les candidats les plus sérieux à la candidature. Mais justement : au sein du PS, popularité et présidentiabilité ont rarement coïncidé, comme l'a illustré la fameuse rivalité entre François Mitterrand et Michel Rocard. Seulement voilà, Ségolène Royal incarne une candidature d'un nouveau type, une candidature fondée sur la nouveauté, sur la féminité, sur la proximité, sur la modernité sage, c'est-à-dire sur un consensus implicite. Ségolène Royal ou la victoire de la démocratie d'opinion sur la démocratie de représentation, le triomphe de la logique médiatique sur la logique partisane.

La question est maintenant de savoir si la personnalité politique la plus populaire de France (comme l'ont été Michel Rocard et Jacques Delors) va pouvoir, dans la nouvelle phase qui commence, transformer le consensus virtuel dont elle bénéficie en consensus réel. Ségolène Royal s'est montrée jusqu'ici très habile, depuis le choix du moment pour surgir jusqu'au terrain sur lequel elle a su entraîner ses concurrents : l'image, d'abord et longuement, puis le message sur des thèmes soigneusement sélectionnés (l'autorité, la sécurité, l'ordre juste), d'inspiration manifestement et attentivement néoblairiste. L'originalité de Ségolène Royal est de vouloir conquérir le PS par sa façade droite. La maladresse des autres prétendants et l'effet de mode ont fait le reste : Jean Daniel, le Nestor de la gauche réformiste, va jusqu'à proclamer qu'il l'écoute désormais avec cette attention particulière qu'il réservait à Pierre Mendès France, François Mitterrand ou Lionel Jospin. C'est presque ce qui s'appelle un sacre.

A ceci près que, désormais, le PS a choisi un projet qui s'impose à tous les prétendants et que ceux-ci vont devoir changer d'exercice et de méthode : au lieu de se différencier pour s'imposer, ils devront se comparer pour se distinguer. En clair, même si le projet adopté par le bureau national et que les militants vont ratifier ne constitue pas les Tables de la Loi et ne se métamorphosera pas en constitution impérieuse, il implique cependant une stratégie claire et des options précises. Les candidats à la candidature vont donc devoir passer des figures libres aux figures imposées. Le poids de leurs images et de leurs profils personnels ne va pas disparaître pour autant, mais ils devront interpréter chacun

à sa façon une musique commune. On passe de la liberté de mouvement à une gymnastique de la comparaison. Ségolène Royal devra s'inspirer comme les autres d'un texte de surcroît parrainé par François Hollande et s'astreindre aux règles d'une concurrence organisée : une campagne de trois mois s'ouvrira dès les journées de La Rochelle à la fin du mois d'août. Elle atteindra son summum lors de trois débats thématiques mis sur pieds entre ceux et celles qui se seront déclarés officiellement candidats à la candidature. Elle s'adressera spécifiquement aux adhérents du PS, seuls électeurs du scrutin à deux tours qui départagera les candidats.

Seuls électeurs ? C'est là où tout se jouera durant ce second set. Face à Ségolène Royal, y aura-t-il regroupement des présidentiables derrière l'un d'eux (Dominique Strauss-Kahn ?), irruption d'un fédérateur (Lionel Jospin ?), percée d'un prétendant s'affirmant par la force de son envergure ? Ou bien l'incomparable popularité de Ségolène Royal fera-t-elle sauter toutes les écluses, entraînant irrésistiblement les militants derrière celle qui devrait alors affronter Nicolas Sarkozy dans un duel cruel qui ne s'arrêterait pas au premier sang ?

http://www.liberation.fr/page.php?Article=390059

Politiques

PS: acte II

par Alain DUHAMEL
QUOTIDIEN : mercredi 14 juin 2006

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